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Avortements clandestins au Bénin : le péril des femmes

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En 2020, le gouvernement estimait à au moins 200, le nombre de femmes qui décèdent des suites d’une complication d’avortement clandestin au Bénin. Et même après l’entrée en vigueur du droit à l’avortement sécurisé dans le pays, les histoires d’avortement qui tournent au drame ne sont pas rares.

Impossible d’être un témoin insensible aux cris de Yasmine. La scène se déroule au Centre National Universitaire Hubert KOUTOUKOU MAGA de Cotonou précisément à la CUGO (Centre Universitaire de Gynécologie et d’Obstétrique). Au milieu de l’attroupement, la dame que nous avons choisi d’appeler Yasmine est inconsolable. Selon nos indiscrétions, sa fille Aicha, venait d’être découverte morte dans la voiture qui les a conduites dans le centre. Aïcha n’a pas survécu aux douleurs pelviennes accompagnées de saignement qui l’ont réveillée plus tôt dans la matinée. Les confessions de Yasmine nous apprennent qu’Aicha a eu juste le temps de lui avouer sa tentative d’interruption volontaire de grossesse avant de perdre connaissance.

L’histoire de Aicha n’est qu’une tragédie parmi toutes celles qui se jouent dans le secret des familles au Bénin. 20% des décès maternels imputables aux avortements clandestins se comptent d’ailleurs dans les rangs des jeunes et adolescentes. Pourquoi Aicha ne s’est-elle pas confiée à sa mère avant de recourir à une interruption volontaire de grossesse dans la clandestinité ?

Dans le camp des jeunes et adolescents, l’éducation complète à la sexualité encore taboue, l’absence de dialogue débridée entre parents et enfants sont mises à l’index pour justifier ces drames. 

Mais de façon générale si certaines femmes continuent de recourir clandestinement à ce soin malgré les changements opérés au niveau de la loi sur la santé de la reproduction, c’est bien à cause des perceptions sociales autour des questions en lien avec l’avortement. La preuve, ce sont les voix accusatrices qui se sont élevées après le vote de la loi assouplissant les conditions de l’IVG au Bénin. Pourtant, en élargissant les conditions d’accès à l’avortement sécurisé en 2021, le Bénin ne faisait que respecter les engagements pris depuis 2003 par son adhésion à la Charte africaine des droits de la femme. En effet, en ratifiant le protocole de Maputo, le pays avait déjà fait de l’interruption volontaire de grossesse un droit pour les femmes.  

Au fond, qui voudrait laisser mourir sa fille ou sa femme dans ces conditions pour un acte dont elle peut bénéficier en toute sécurité à l’hôpital? La mort ou l’infertilité devrait-elle être une sanction parce qu’on a fait le choix de ne pas jouir du produit conceptionnel des rapports sexuels ? 

Pour éviter cette hécatombe, l’interruption volontaire de grossesse devrait être replacée dans son cadre originel qu’est la santé. C’est une pratique ancienne qui a évolué avec les progrès de la science au même titre que tous les actes médicaux. Les femmes de l’antiquité et surtout de la période négrière utilisaient des écorces, des tiges à efficacité douteuse pour interrompre leur grossesse parce qu’elles ne voulaient pas donner naissance à des enfants qui seraient à leur tour esclaves. Mais ce faisant, beaucoup d’entre elles décédaient ou souffraient d’infertilité. Aujourd’hui, la pratique est plus codifiée pour répondre aux besoins  des  hommes et des femmes qui souhaitent ne pas poursuivre une grossesse. Il s’agit donc d’un soin médical qui, lorsqu’il est donné dans les règles de l’art minimise les risques pour la santé de la reproduction des femmes.